L’iconocaste
La chose photographiée existe-t-elle en amont du photographe ou est-elle accouchée en temps réel par lui ?
Depuis son installation à Saint-Martin en 2015, l'artiste n’a qu'une obsession : révéler la fragilité de nos postures humaines comme on gratte un mur en le regardant s'effriter. Derrière son objectif, les hommes noirs à lavirilité saillante semblent délivrer une ode à la sensibilité transperçant la rigidité du réel. Leurs regards mènent vers d'autres mondes d'où i l s échappent à l'essentialisation pour redevenir des hommes, tout simplement. Mélancoliques, timides, perdus.
En restituant sa complexité au réel, l'autodidacte François Castelain laisse ainsi transparaitre son idéalisme, son utopisme même, pour un monde sans assignations ni certitudes. Un monde fait de face-à-face et d'étonnements. Comme lorsqu'il déambule dans les rues de Saint-Martin et se retrouve happé par un inconnu sur le visage duquel la beauté s'ignore.
Et en effet, difficile de se dessaisir de tous ces regards semblant fixer l'observateur sur place et lui révéler des choses y compris sur lui-même. Des portraits comme des rencontres redonnant toute sa place à l'altérité. C'est d'ailleurs là tout le talent de l'artiste : capter l'innocence (la sienne et celle de l'autre), et la faire cohabiter avec son contraire, avec la force, avec les postures, jusqu'à créer une forme d'ivresse poétique. Sous ce prisme, tout n'est que richesse, les cultures multiples, mais aussi les sinuosités humaines, sans cesse renouvelées.
par Swanee Kanga,
Auteure de l'essai «Metamorphose» comprendre et apaiser les traumas de notre enfance